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Partage judiciaire : pas d'évaluation définitive sans fixation de la date de jouissance divise

Dans un arrêt en date du 21 juin 2023 (Cass. 1ère civ., 21 juin 2023, n°21-24.851), la Cour de cassation était saisie d’un litige entre deux ex-époux (divorcés depuis 2003) tenant aux opérations de comptes, liquidation et partage de leurs intérêts patrimoniaux.


Devant la haute juridiction, l’ex-mari reprochait notamment à la Cour d’appel d’avoir refusé de réévaluer une récompense et une créance contre l’indivision, dont les montants avaient déjà été fixés par les premiers juges du fond.


La Cour d’appel estimait en effet que ces évaluations bénéficiaient de l’autorité de la chose jugée et ne pouvaient donc plus être modifiées. Pour l’auteur du pourvoi, au contraire, la réévaluation à la date la plus proche possible du partage effectif était légitime dans la mesure où les premiers juges n’avaient pas fixé contentieusement la date de jouissance divise.


Dans son arrêt du 21 juin dernier, la Cour de cassation donne raison à l’auteur du pourvoi et casse l’arrêt d’appel au visa des articles 829, 1469, alinéa 1 et 3 (pour la récompense), 815-13 (pour la créance contre l’indivision) et de l’ancien article 1351 (aujourd’hui article 1355) du Code civil :


« Il résulte des articles 829, 1469, alinéas 1 et 3, et 1351, devenu 1355, du Code civil que la décision qui se prononce sur une récompense calculée selon le profit subsistant sans fixer la date de jouissance divise est dépourvue de l'autorité de chose jugée sur l'évaluation définitive de cette récompense (...)


Il résulte des articles 829, 815-13, alinéa 1, et 1351, devenu 1355, du code civil que la décision qui se prononce sur une créance d'un époux à l'encontre de l'indivision au titre de dépenses de conservation [NB évaluée eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage] sans fixer la date de jouissance divise est dépourvue de l'autorité de chose jugée sur l'évaluation définitive de cette créance »


Note. La difficulté soumise à la Cour de cassation n’est pas rare en pratique. Il s’agit, en résumé, de savoir s’il est possible pour le notaire en charge d’un partage de réévaluer les éléments de la masse lorsqu’ils ont déjà fait l’objet d’une évaluation dans un cadre judiciaire.


La solution apportée par la Cour de cassation reprend une jurisprudence constante. La possibilité ou non de procéder à ladite réévaluation dépend du point de savoir si le juge a fixé contentieusement une date de jouissance divise en même temps qu’il a statué sur les évaluations (v. par exemple Cass. 1ère civ. 28 fév. 1978, Bull. civ. I, n°980 ; Cass. 1ère civ. 24 janvi. 1990, Bull. civ. I, n°24, Cass. 1ère civ., 25 fév. 2003, Bull. cin. I, n°52, Cass. 1ère civ. 3 mars 2010, Bull. civ. I, n°50, p. 49


En effet, le principe posé par l’article 829 du Code civil est que l’évaluation de la masse à partager se fait à la date de la jouissance divise, date qui doit être « (…) la plus proche possible du partage ». Ce principe connaît toutefois un tempérament au troisième alinéa du texte qui permet au juge de fixer la jouissance divise « (…) à une date plus ancienne si le choix de cette date apparaît plus favorable à la réalisation de l'égalité ».


- Par suite, si le juge a statué sur les évaluations mais ne s’est pas prononcé contentieusement sur la date de jouissance divise, le notaire liquidateur est fondé à revoir les estimations à la date la plus proche possible du partage effectif, sans qu’il soit possible d' opposer l’autorité de la chose jugée.


- En revanche, si le juge a fixé contentieusement la date de jouissance divise à la même date que les évaluations, celles-ci bénéficient de l’autorité de la chose jugée et ne peuvent plus être remises en cause, même si le partage effectif intervient longtemps après.


Deux remarques complémentaires :


- Comme l’illustre l’arrêt, les règles précédentes s’appliquent à l’évaluation des biens mais aussi à l’évaluation des rétablissements que sont les récompenses et les créances contre l’indivision, chaque fois qu’il faut rechercher le profit subsistant à la date du partage.


- L'arrêt permet aussi de mesurer l'opportunité, pour éviter de prolonger inutilement les conflits et pour décourager les manœuvres dilatoires, de demander au juge de faire application de l’article 829, alinéa 3, précité du Code civil, pour fixer la date de jouissance divise à la date de l’expertise.




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