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Occupation gratuite ou remise de chèques : pas de donation sans intention libérale

Par deux arrêts récents du même jour (Cass. 1ère civ., 22 oct. 2025 n°23-22904 et Cass. 1ère civ 22 octobre 2025, n°23-21.096) la Cour de cassation vient une nouvelle fois de rappeler que toute donation, quelle qu’en soit la forme, suppose la démonstration positive d’une intention libérale.


Si elles sont seulement confirmatives, ces décisions appellent toutefois quelques brèves observations.

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Le premier arrêt indique, suivant une jurisprudence désormais constante, que l’occupation gratuite par un enfant d’un immeuble appartenant à l’un de ses parents, peut certes constituer le support d’une libéralité rapportable (dont ont sait qu’elle est alors égale à la totalité des loyers non perçus par le propriétaire du bien) mais à la condition de rapporter positivement la preuve de l’intention libérale.

 

Il ne suffit donc pas de constater, pour caractériser la donation, que les parties n’avaient pas formalisé un prêt à usage, ou que les soins prodigués par l’enfant à ses parents « n’avaient pas excédé la piété filiale ».

 

NB. Nous avons fait le point sur le traitement liquidatif de "l'occupation gratuite" par un enfant (conditions de l'existence de la libéralité, montant du rapport, comparaison avec une libéralité en usufruit....), dans une fiche PAPL (accessible aux titulaire des Packs ALS.not ou de l’accès à la documentation en ligne)

 

"Vu l'article 843, alinéa 1er, du code civil :  Il résulte de ce texte que seule une libéralité, qui suppose un appauvrissement du disposant dans l'intention de gratifier son héritier, est rapportable à la succession.


Pour condamner M [V] [R] à rapporter à la succession de [C] [R] l'avantage indirect résultant de la mise à disposition gratuite d'un appartement situé [Adresse 4] à [Localité 3] du 21 septembre 1990 au 25 décembre 2000, soit la somme de 732 729,43 euros et dire que les donations et libéralités faites hors part successorale par [C] [R] d'une part et par [I] [R] d'autre part, à leur fils [V] [R], s'imputeront sur la quotité disponible et que l'excédent sera sujet à réduction en application des articles 919-2 et suivants du code civil, en invitant le notaire à mettre en œuvre ces dispositions en fonction de l'évaluation qu'il opérera des donations en cause et du montant de la quotité disponible, l'arrêt retient que l'existence d'un prêt à usage n'est pas établie et que les soins à ses parents n'ont pas excédé la piété filiale


En se déterminant ainsi, sans caractériser l'intention libérale de [C] [R] et [I] [R] à l'égard de leur fils M [V] [R], la cour d'appel n'a pas donné de base légale à sa décision"

 

Le second arrêt concernait cette fois la remise de chèques par le de cujus à l’un de ses enfants. Suivant la position de l’un des cohéritiers de ce dernier, la Cour d’appel avait considéré que cette remise, qui ne résultait pas « d’un dol, de contrainte ou violence » s’analysait en une donation « cachée » soumise, en tant que telle, non seulement au rapport mais aussi à la sanction du recel.


Les juges du fond avaient alors condamné ledit enfant à rapporter la totalité des sommes perçues sans pouvoir prétendre à quoi que ce soit sur ce montant, ceci conformément au second alinéa de l’article 778 du Code civil  ((…) Lorsque le recel a porté sur une donation rapportable ou réductible, l'héritier doit le rapport ou la réduction de cette donation sans pouvoir y prétendre à aucune part").

 

Suite au pourvoi formé devant la Cour de cassation, l’arrêt d’appel est logiquement cassé au visa de l'article 843 du Code civil. Faute de démonstration positive de l’intention libérale, la remise d’un chèque ne s’analyse pas en une libéralité, et il ne suffit évidemment pas de constater que ladite remise n’a pas été "forcée" pour que cette qualification soit acquise.


On peut du reste s’étonner que les cohéritiers n’aient pas tout simplement fait valoir, à titre subsidiaire, l’existence d’une créance de la succession contre l’enfant, donc, à défaut d’un rapport de libéralité sur le fondement de l’article 843 du code civil, un rapport de dette au sens de l’article 825 du même Code.

 

Cela leur aurait d’ailleurs permis, si effectivement la remise avait été « dissimulée », de demander l’application des peines du recel qui peut aussi concerner les dettes des copartageants envers le défunt (v. en ce sens, F. Terré, Y. Lequette et S. Gaudemet, Droit civil, Les successions, les libéralités, Dalloz, 4ème ed. n°1093).

 

Vu l'article 843 du code civil :

 

Il résulte de ce texte que seule une libéralité, qui suppose un appauvrissement du disposant dans l'intention de gratifier son héritier, est rapportable à la succession.

 

Pour dire que M. [L] [J] doit restituer les sommes de 46 300 euros et de 41 405 euros et qu'il sera privé de toute part sur lesdites sommes, l'arrêt retient que, faute de dol, contrainte ou violence, les remises de chèques par [K] [E] s'analysent en donations cachées.

 

En statuant ainsi, sans rechercher, comme il le lui incombait, si [K] [E] avait ou non agi dans une intention libérale, la cour d'appel a privé sa décision de base légale au regard du texte susvisé.



David Epailly


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