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Entre époux « séparatistes » le dépôt de fonds personnels sur un compte joint ne suffit pas à prouver l’existence d’une créance entre époux

Dans un arrêt en date du 22 octobre 2025, (Cass. 1ère civ. 22 octobre 2025, n°24-16.345), la Cour de cassation devait se prononcer sur l’existence d’une créance entre époux, dans le contexte de la liquidation des intérêts patrimoniaux, post-divorce, de deux ex-conjoints anciennement mariés sous le régime de la séparation de biens.

 

L’un d’eux faisait valoir l’existence d’une créance contre l’autre, au motif qu’il avait versé sur le compte joint des fonds provenant de successions dont il avait hérité ainsi que le produit de son épargne salariale. La Cour d’appel lui avait donné raison en ce contentant de la preuve de ces virements. L’autre époux, considérant que la preuve était insuffisamment rapportée faute pour le prétendu créancier de démontrer également l’utilisation ultérieure des fonds, avait alors formé un pourvoi en cassation.

 

Dans sa décision, la haute juridiction donne raison à l’auteur du pourvoi et casse l’arrêt d’appel au visa de l’article 1353, alinéa 1, du Code civil.

 

« Vu l'article 1353, alinéa 1er, du code civil :

 

Aux termes de ce texte, celui qui réclame l'exécution d'une obligation doit la prouver.

 

« Pour dire que M. [H] détient à l'encontre de Mme [D] une créance à hauteur de la somme de 11 437,06 euros au titre de fonds provenant de successions et une créance à hauteur de 8 119,78 euros au titre de son épargne salariale, l'arrêt retient que M. [H] justifie du versement de ces fonds par virements sur le compte joint des époux, de sorte que ces sommes lui sont personnelles.

 

« En statuant ainsi, par des motifs impropres à caractériser l'existence d'une créance de M. [H] à l'encontre de Mme [D], la cour d'appel a violé le texte susvisé. »



Observations

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Si, par certains aspects, les créances entre époux se rapprochent des récompenses (et les liquidateurs connaissent bien, pour l’évaluation au profit subsistant, les difficultés liées au « renvoi partiel » de l’article 1479 du Code civil vers l’article 1469 alinéa 3 du même Code), leurs régimes demeurent différents.

 

En l’occurrence, l’erreur de la Cour d’appel a peut-être été de vouloir transposer la jurisprudence relative à « l’encaissement » par la communauté des fonds propres déposés sur un compte joint.

 

C’est l’occasion de rappeler qu’aux termes de l’article 1433 du Code civil : « La communauté doit récompense à l'époux propriétaire toutes les fois qu'elle a tiré profit de biens propres.

Il en est ainsi, notamment, quand elle a encaissé des deniers propres ou provenant de la vente d'un propre, sans qu'il en ait été fait emploi ou remploi.

Si une contestation est élevée, la preuve que la communauté a tiré profit de biens propres peut être administrée par tous les moyens, même par témoignages et présomptions. »

 

L’application de ce texte, et la notion « d’encaissement », ont donné lieu à une jurisprudence assez abondante (Cass. 1re civ., 8 novembre 2005, n° 03-14831 ; Cass. 1re civ., 3 février 2010, n° 09-65345 ; Cass. 1re civ., 15 février 2012,  n° 11-10182  ; Cass. 1re civ., 4 janvier 2017, n° 16-10934 ; Cass., 1ère civ., 15 janvier 2025, 23-10.887, Inédit) de laquelle on peut retirer plusieurs principes.

 

En résumé, pour que la communauté doive récompense, il ne suffit pas de montrer que de l’argent propre a été dépensé pendant le mariage, il faut aussi démontrer que cet argent a profité à la communauté. Cela étant, ce profit est présumé lorsque les fonds propres ont été déposés sur un compte joint.

 

Dit autrement, si un époux démontre qu’il a déposé de l’argent propre sur un compte joint, il existe une présomption simple de profit communautaire qui va lui permettre d’obtenir une récompense sauf si l’autre époux renverse ladite présomption en prouvant que l’argent a en réalité profité uniquement à l’époux prétendument créancier. A l’inverse, si l’argent a été déposé sur un compte personnel, il n’existe aucune présomption et c’est à l’époux qui invoque « l’encaissement » de positivement rapporter la preuve du profit retiré par la communauté.

 

Reste toutefois que ces règles ne sont pas transposables à l’époux séparé de biens qui réclame une créance entre époux. Pour ce dernier, et même si l’argent a été déposé sur un compte joint, il n’existe aucune présomption comparable. Il lui appartient donc, conformément à l’article 1353 du Code civil, de rapporter la preuve tant de l'origine des fonds déposés que du profit personnellement retiré par son conjoint.

 

 David Epailly


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