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Appréciation de la lésion dans le partage et caractère impératif de l'article 815-13 du Code civil

Dans un arrêt en date du 25 octobre 2023 (Cass. 1ère civ. 25 oct. 2023, Pourvoi n°21-25.051), la Cour de cassation devait se prononcer sur le caractère lésionnaire du partage d’un immeuble indivis réalisé entre deux ex-époux divorcés, anciennement mariés sous le régime de la séparation de biens.


Dans l’acte de liquidation-partage, les parties avaient constaté l’existence d’une créance contre l’indivision au profit du mari, lequel avait financé des travaux de réhabilitation de l’immeuble. Les ex-époux étaient expressément convenus de ne pas rechercher si ces dépenses avaient permis d’augmenter la valeur du bien, décidant ainsi de s’en tenir au montant nominal desdites dépenses. Sur la base de cette liquidation et de cet accord, le bien avait été attribué à l’ex-mari moyennant une soulte au profit de son ex-femme.


Un an plus tard, le bien est revendu moyennant un prix très supérieur à la valeur retenue dans l’acte. Il s’ensuit alors un conflit sur le caractère potentiellement lésionnaire du partage, et plus précisément sur le point de savoir si la lésion doit s’apprécier en tenant compte de l’accord des parties relatif au mode d’évaluation de la créance. A cette dernière question, la Cour d’appel répond positivement.


Suite au pourvoi formé par l’ex-conjoint, l’arrêt est cassé au visa des articles 815-13 alinéa 1er, 887, alinéa 2, et 890 du Code civil (les deux derniers dans leur rédaction antérieure à celle issue de la loi n°2006-728 du 23 juin 2006).


La Cour de cassation rappelle d’abord que la dépense réalisée par l’ex-mari est une dépense d’amélioration au sens de l’article 815-13 du Code civil. En application de ce texte, il devait donc « (…) lui en être tenu compte selon l’équité eu égard à ce dont la valeur du bien se trouve augmentée au temps du partage ».


Elle décide ensuite que pour apprécier le caractère éventuellement lésionnaire du partage, la créance de l’ex-mari devait nécessairement être évaluée conformément à ladite règle posée à l’article 815-13 du Code civil, donc au profit subsistant, et non en suivant l’accord des parties sur une évaluation au nominal.



Note.


Le présent arrêt est intéressant en ce qu’il rappelle que la lésion s’apprécie en tenant compte des règles légales d’évaluation des créances de la masse partageable, en l’occurrence celles fixées par l’article 815-13 du Code civil, et non en fonction de celles posées conventionnellement par les parties au moment du partage.


Incidemment, il rappelle aussi que l’on ne peut pas renoncer indirectement à l’action en complément de part en choisissant des règles d’évaluation (des biens ou de n’importe quel autre élément liquidatif) conduisant à sous évaluer le lot de tel ou tel des copartageants.


C’est l’occasion de rappeler, au-delà de l’arrêt, que suivant une jurisprudence ancienne et constante, les indivisaires ne peuvent pas renoncer par avance, directement ou indirectement, à critiquer le caractère lésionnaire du partage. Une renonciation dans l’acte à l’action en complément de part, ou, autrefois à l’action en récision pour lésion, est donc totalement inefficace (v. Cass. civ., 2 juin 1897, DP 1897, 1, 384).


Il en va ainsi même si le partage est présenté comme « forfaitaire et transactionnel » (v. Cass. 1re civ., 30 octobre 2006, n° 03-19595 ; Cass. 1ère civ., 9 janvier 2008, n° 06-16454). Contrairement à ce que l’on croit parfois, la formule ne permet donc pas « d’immuniser » les partages inégalitaires, peu important d’ailleurs qu’elle soit purement formelle (ce qui est le plus souvent le cas) ou qu’il existe réellement des « concessions réciproques ».


En réalité, ce n’est que dans l’hypothèse assez rare où il existe un « aléa » dans le partage expressément accepté par les parties (ex. si la masse comporte une créance dont on ignore légitiment si elle pourra être recouvrée du fait de la mise en liquidation du débiteur), que l’action en complément de part n’est plus recevable (C. civ. art. 891).


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