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Pour rappel, le conjoint survivant confronté à un enfant non-issu des deux époux n’a pas d’option pour l’usufruit légal

Dans un arrêt en date du 5 mars 2025 (Cass. 1ère civ. 5 mars 2025, n°23-11.430), la Cour de cassation devait se prononcer, dans le contexte d’un règlement successoral conflictuel, sur les droits du conjoint survivant.

 

Au cas particulier, une personne décède en 2019, laissant uniquement pour lui succéder son conjoint et une enfant issue d’une précédente union. Ledit conjoint est bénéficiaire d’une donation entre époux en usufruit et d’un testament l’instituant légataire de l’usufruit de la totalité de la succession. Il est également héritier légal en application de l’article 757 du Code civil. En 2020, il agit en partage judiciaire contre l’enfant de premier lit. Puis il décède quelques mois plus tard en laissant ses deux filles qui reprennent l’instance.

 

En appel, les juges du fond estiment que l’action en partage est irrecevable car le conjoint n’a pas opté dans les formes pour la vocation légale en propriété, et qu’il faut donc considérer qu’il a opté pour l’usufruit légal, désormais éteint du fait de son décès.

 

Suite au pourvoi formé par les héritières du conjoint survivant, la Cour de cassation censure l’arrêt d’appel au visa de l’article 757 du Code civil, en rappelant qu’en présence d’un enfant non issu des deux époux, le conjoint survivant n’a pas d’option pour l’usufruit légal :

 

 « Vu l'article 757 du code civil. Selon ce texte, si l'époux prédécédé laisse un ou plusieurs enfants qui ne sont pas issus des deux époux, le conjoint survivant recueille la propriété du quart des biens existants.

 

Pour déclarer Mmes [J] irrecevables en leurs demandes, faute d'intérêt à agir, l'arrêt retient, d'abord, que le document daté du 5 août 2019 indiquant que [U] [L] déclare opter pour le quart en toute propriété des biens de la succession de [V] [C], conformément aux dispositions de l'article 757 du code civil, est dépourvu de force probante.

 

Il retient, ensuite, que l'acte authentique d'inventaire dressé le 6 août 2019, indiquant que [U] [L] est bénéficiaire du quart en toute propriété de l'universalité des biens et droits mobiliers et immobiliers composant la succession, ne constitue pas une preuve suffisante permettant de s'assurer de l'option choisie par [U] [L], dès lors que cette mention peut n'être que déclarative.

 

Il retient, enfin, que l'option choisie apparaît d'autant plus incertaine que l'assignation signifiée à la requête de [U] [L] indique qu'elle a été gratifiée de l'usufruit de l'intégralité de la succession de son époux.

 

Il en déduit que [U] [L] est réputée avoir opté pour l'usufruit, lequel s'est éteint par son décès.

 

En statuant ainsi, alors qu'en présence d'un enfant non commun, les droits légaux du conjoint survivant ne pouvaient être que de la propriété du quart des biens existants, sans faculté d'option pour l'usufruit de la totalité de ces biens, la cour d'appel a violé le texte susvisé »

 

Observations.



La présente décision de la Cour de cassation permet de rappeler ce qui est a priori une évidence : les différentes règles qui concernent l’option entre la vocation légale en propriété et la vocation légale en usufruit (preuve par tous moyens du choix exercé -C. civ. art. 758-1- ; option par défaut après mise en demeure – C. civ. art. 758-3 - option par défaut en cas de décès du conjoint avant l’option – C. civ. art. 758-4) ne s’appliquent que si cette option existe.

 

Or tel n’est pas le cas lorsque le conjoint est confronté à au moins un enfant non issu des deux époux, puisque dans cette hypothèse il ne peut prétendre qu’à la vocation légale du quart en propriété (C. civ. art. 757).

 

Au-delà de l’arrêt, on peut profiter de l’occasion pour rappeler la différence qui existe entre l’option successorale de l’article 768 du Code civil (accepter, renoncer, accepter à concurrence de l’actif net) et l’option d’émolument (usufruit ou un quart en propriété) que prévoit, dans certains cas (conjoint confronté à des enfants communs exclusivement) l’article 757 précité.

 

Comme héritier légal, le conjoint dispose nécessairement de la première (sauf cas particulier comme le recel successoral) mais pas toujours de la seconde.

 

On rappellera aussi, puisque l’hypothèse est fréquente en pratique, que cette « double option » existe aussi lorsqu’il est légataire ou institué contractuel (bénéficiaire d’une donation « au dernier vivant ») avec « choix de quotité de disponible » (encore que l’expression comporte quelques ambiguïtés).

 

On notera enfin, pour revenir sur l’arrêt, que le débat aurait également pu se déplacer sur le terrain liquidatif.

 

En théorie en effet, il est juste de dire que le conjoint gratifié de la totalité de l’usufruit de la succession, et par ailleurs héritier légal du quart en propriété, se trouve potentiellement en indivision sur la nue-propriété de la succession, ce qui lui donne intérêt à agir en partage judiciaire.

 

Cela étant, en fonction des éléments liquidatifs, il peut arriver que la vocation légale en propriété soit finalement réduite à néant, soit parce qu’il n’existe pas de masse d’exercice au sens de l’article 758-5, alinéa 2 du Code civil (ex. lorsque des libéralités épuisent la quotité disponible), soit encore, lorsque le conjoint est lui-même gratifié, du fait de la règle d’imputation (« rapport spécial ») de l’article 758-6 du même Code.

 

Or, si le « quart légal », une fois liquidé, est égal à zéro, il n’y a évidement plus de partage possible…

 

Une nouvelle preuve s’il en fallait que la liquidation n’est pas, ou ne devrait pas être, une option !

 

David Epailly.


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