Exonération de DMTG de l'article 790 A bis du CGI : décryptage pratique des nouveaux commentaires administratifs
- Julie Urion
- il y a 1 jour
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Dernière mise à jour : il y a 8 heures
L’article 790 A bis du CGI, rétabli par l’article 71 de la loi de finances pour 2025, institue une exonération de droits de mutation à titre gratuit pour les dons de sommes d’argent consentis en pleine propriété à un enfant, un petit-enfant, un arrière-petit-enfant ou, à défaut de descendance, à un neveu ou une nièce. Cette exonération s’applique dans la limite de 100.000 € par donateur et par donataire, sans pouvoir excéder 300.000 € par donataire, à condition que les fonds soient affectés, dans un délai de six mois, soit à l’acquisition d’un immeuble neuf ou en l’état futur d’achèvement, soit à des travaux de rénovation énergétique réalisés sur l’habitation principale du donataire.
Ce dispositif visant à favoriser la transmission anticipée du patrimoine familial, à orienter l’épargne vers le logement neuf et la rénovation énergétique, et à stimuler l’activité économique dans le secteur du bâtiment, donnera lieu à un rapport d'évaluation, remis au Parlement, avant le 30 septembre 2026.
Dans une mise à jour du BOFIP en date du 4 septembre dernier, l’administration fiscale a précisé les modalités d’application de cette mesure (BOI-ENR-DMTG-20-20-20 n° 730 et suivants), apportant ainsi d’utiles confirmations et réponses aux interrogations soulevées par la pratique.
Sans prétendre à l’exhaustivité, cet article se propose d’examiner les principales conséquences pratiques des commentaires administratifs et identifier les éléments d’incertitude persistants.
Le timing

Il s’agit d’un dispositif temporaire et, sauf à ce qu’il soit prorogé, force est de constater que la fenêtre de tir apparaît particulièrement étroite.
L’exonération est, en effet, conditionnée à un double impératif : que le versement des sommes intervienne entre le 15 février 2025 et le 31 décembre 2026 d’une part, et que le donataire affecte les fonds, au plus tard dans les 6 mois suivant leur remise, à l’un des investissements expressément visés par le texte, d’autre part.
Dès lors, le praticien pouvait légitimement s’interroger sur la portée exacte des notions de versement et d’affectation, spécialement dans l’hypothèse d’une acquisition en VEFA ou de la réalisation de travaux de rénovation énergétique, où les appels de fonds ou versements s’échelonnent le plus souvent sur une période excédant six mois. Les commentaires adoptent, à cet égard, une approche pragmatique mais également lacunaire à certains égards.
Le versement s’entend du versement effectif de la somme d’argent dont le donataire devra faire la preuve, à l’exclusion des donations authentiques, pour lesquelles « la date du versement est réalisée à la date de rédaction de l’acte qui la constate …, à moins qu’elle soit expressément stipulée dans l’acte à une autre date ». Dans cette dernière hypothèse, la date de l’acte ou mentionnée dans l’acte fait foi, même lorsque ce versement a été fait hors la vue du notaire.
S’agissant des dons manuels, pour lesquels le donataire ne serait pas en mesure d’apporter la preuve de la date du versement, fera foi la date de révélation du don manuel, ou la date de versement mentionnée sur la déclaration 2735 déposée avant le 31 janvier 2027.
S’agissant d’immeubles neufs, l’affectation des sommes s’entend, sans surprise, de la date de signature de l’acte authentique d’acquisition.
Pour les acquisitions en l’état futur d’achèvement, l’administration retient comme date d’affectation celle de la signature du contrat prévu à l’article 1601-3 du Code civil, et non celle du contrat de réservation. Il est rassurant de noter que, si l’acte est signé dans les six mois du versement, l’emploi des sommes est considéré comme éligible, indépendamment de la chronologie des appels de fonds.
En revanche, aucune mesure simplificatrice n’est prévue pour les travaux de rénovation énergétique, et l’on peut regretter que l’administration n’ait pas fixé de date de référence comparable, par exemple la signature du devis avec le versement du premier acompte. Le praticien ne pourra que recommander une vigilance particulière quant au calendrier de réalisation des travaux et des versements attachés.
L’exonération ne sera pas applicable aux versements résultant d’une acquisition antérieure au 15 février 2025, quelles que soient les dates de la donation ou des versements (appels de fonds, remboursement anticipé d’un prêt).
Enfin, précision importante, le don doit précéder l’affectation des sommes à l’acquisition du bien. Aussi, un enfant qui aurait bénéficié d’un prêt familial converti en donation par abandon de créance, le tout pendant la période d’éligibilité ne pourrait pas bénéficier du dispositif. En effet, à supposer que l’administration fiscale accepte d’assimiler l’abandon de créance à une donation de sommes d’argent, ce qui reste discutable ; la donation serait, en tout état de cause, postérieure à l’acquisition.
L’objet de l’emploi
Les sommes données doivent être affectées à l’acquisition d’un bien neuf ou acquis en VEFA, ou à la réalisation de travaux de rénovation énergétique. L’immeuble neuf s’entend d’un immeuble achevé à la date de son acquisition et qui n’a jamais été habité ni utilisé sous quelque forme que ce soit.
Les sommes données peuvent tout à fait être investies par le donataire à l’acquisition de plusieurs immeubles. Exemple : Le donataire peut faire l’acquisition de plusieurs appartements loués à titre de résidence principale au locataire.
Bien que les deux dispositifs ne soient pas cumulables, les travaux éligibles sont les mêmes que ceux bénéficiant de « MaPrimeRénov’ » (annexe 1 du décret n° 2020-26 du 14 janvier 2020 modifié relatif à la prime de transition énergétique). Ces derniers doivent être réalisés par un professionnel agréé sur un immeuble situé en France. L’achat de matériaux par le donataire n’est pas éligible.
Logiquement, les sommes données ne peuvent valablement être affectées à la construction d’un bien immobilier sur un terrain appartenant au donataire ou à l’acquisition dudit terrain.
A l’instar des commentaires sur l’exonération d’impôt sur les plus-values immobilières sous condition de remploi (article 150 U II 1°bis du CGI), l’affectation ne peut pas consister non plus en l’apport à une SCI en vue d’acquérir la résidence principale de l’associé ou dans la réalisation de travaux par ladite SCI sur l’immeuble social.
Par principe, la somme d’argent donnée ne peut pas davantage être utilisée pour l’acquisition de droits démembrés ou indivis exercés sur un immeuble.
Toutefois, par tolérance, l’administration admet cependant que les sommes données soient affectées par le donataire à l’acquisition de l’usufruit ou à l’acquisition en indivision en pleine propriété ou en usufruit d’un immeuble neuf ou en l’état futur d’achèvement, sous réserve qu’il soit affecté à la résidence principale du donataire ou à la location à usage d’habitation principale.
Cette précision exclut clairement de l’exonération les donations de sommes d’argent en vue d’une acquisition en démembrement lorsque les enfants donataires sont nus propriétaires du bien immobilier, quand bien même celui-ci constitue la résidence principale de l’usufruitier ou du locataire de celui-ci.
Lorsque le bien est affecté à la résidence principale du locataire, la nature de la location, nue ou meublée, est indifférente. En revanche, le bien ne peut être loué à un membre du foyer fiscal du donataire ou à une personne intermédiaire comme l’exploitant d’une résidence-service destinée à l’hébergement de personnes âgées ou handicapées, ou dans une résidence avec services pour étudiants.
Précision subtile, la condition de conservation comme résidence principale est satisfaite "pour le logement distinct de la résidence principale du donataire dont l’enfant étudiant, célibataire restant à charge au sens de l’impôt sur le revenu, dispose pour les besoins de ses études dans une ville universitaire".
La donation peut donc profiter aux enfants et indirectement aux petits-enfants, rattachés au foyer fiscal de leurs parents pendant la durée de leurs études.
Le montant de l’exonération

Au-delà des plafonds légaux de 100.000 € par donateur et de 300.000 € par donataire, l’exonération des donations de sommes d’argent est strictement limitée au montant effectivement affecté. Compte tenu du délai restreint laissé au donataire pour réaliser son investissement, on peut supposer qu’il dispose dès la date de la donation d’un projet concret et défini. Si le montant de l’acquisition est inférieur à celui de la donation, il sera possible pour le surplus d’appliquer les exonérations permanentes comme celle de l’article 790 G du CGI par exemple, puis les abattements de droit commun sur le reliquat éventuel. Bien entendu, selon les règles de droit commun, les sommes qui ne bénéficieront d’aucune exonération seront sujettes au rappel fiscal.
A noter que le texte n’exige nullement pour son application l’insertion d’une mention particulière dans l’acte de donation ou dans l’acte d’acquisition.
Toutefois, l’administration prend le soin de préciser que la preuve du montant des sommes affectées sera rapportée si le montant de l’apport personnel de l’acquéreur, tel qu’il est mentionné dans l’acte d’acquisition est supérieur ou égal au montant du versement exonéré.
Le notaire chargé de la rédaction de l’acte d’acquisition devra donc se montrer particulièrement précis sur ce point et informer le donataire des conséquences fiscales encourues si d’aventure le montant de l’apport personnel est inférieur aux sommes données exonérées.
Il ressort par ailleurs des commentaires que l’administration exige un remploi effectif et non simplement théorique. Dès lors, serait exclu le cas d’un donataire qui n’affecterait qu’une partie des sommes données et financerait le solde du prix d’acquisition de l’investissement éligible par un emprunt bancaire, alors même que le prix du bien excéderait le montant des sommes données et exonérées.
Remise en cause
A défaut d’affectation des sommes dans le délai imparti ou en cas d’affectation insuffisante, le donataire deviendra redevable du complément de droits de mutation à titre gratuit, assortis de l’intérêt de retard prévu par l’article 1727 du CGI.
En cas de remise en cause partielle, et en présence d’une pluralité de donateurs, incluant notamment des parents et des grands-parents, il s’agira de voir si l’administration fiscale laissera le donataire opérer un arbitrage sur la donation remise en cause afin de limiter le montant du redressement grâce aux abattements en ligne directe ou si elle procédera à une rectification proportionnelle aux sommes données par chacun d’eux.
Exemple : Deux parents et un grand parent font, chacun, donation de 100.000 euros à un donataire. L’investissement réalisé par lui s’élève finalement à 200.000 euros. Le donataire aurait intérêt à répartir les régularisations sur les différentes donations, pour consommer l'abattement de 31 865 € de l'article 790 B du CGI et puis ceux de l'article 779 du CGI. Dans cette situation, en effet, la régularisation ne donnera lieu à aucun droit de mutation supplémentaire mais le surplus serait soumis au rappel fiscal.
Rien n’interdirait, d’ailleurs, de procéder dans le délai de réclamation de l’article R 196-1 du Livre de Procédure Fiscale à une régularisation positive dans le cas où la somme employée serait supérieure aux prévisions. Pour cela, la réclamation devra être présentée à l'administration au plus tard le 31 décembre de la deuxième année suivant celle du versement des droits ou de la réalisation de l'événement qui motive la réclamation.
Par ailleurs, le bien immobilier doit être affecté pendant une période de 5 ans à compter, selon la situation, de l’acquisition du bien ou de l’achèvement des travaux, à la résidence principale du propriétaire ou de son locataire pour les seules acquisitions de biens neufs ou en VEFA.
Le non-respect de cette condition entraînera également une remise en cause de l’exonération appliquée avec des conséquences identiques. Dans la mesure où l’administration, pour établir l’exigibilité des droits, devra recourir à des recherches ultérieures, on peut raisonnablement penser que le délai de reprise sera le délai de droit commun de l’article L.186 du LPF à savoir jusqu’au 31 décembre de la 6ème année suivant celle du fait générateur de l'impôt, c'est-à-dire de l'événement donnant naissance à la créance d'impôt. Dans le cadre du dispositif, il pourrait s’agir de la date du non-respect de l’obligation d’affectation (vente ou mise en location saisonnière).
Dans ces commentaires, l’administration ne prévoit qu’un fait exonératoire : le décès du donataire. Dans cette situation, l’exonération ne sera pas remise en cause et les héritiers ne seront pas tenus de poursuivre les obligations du défunt. La vente du bien par les héritiers sera donc sans conséquence fiscale.
On observe avec une certaine réserve que l’administration fiscale se limite à ce cas de figure et n’envisage pas, à l’instar d’autres avantages fiscaux soumis à des conditions d’affectation semblables (TVA à taux réduit en cas d’acquisition en PSLA, dans une zone ANRU ou un QPPV), des cas exonératoires tenant à la modification de la composition du foyer ou de la situation financière ou géographique du donataire. On pense, naturellement, au mariage, au PACS, au divorce, à la rupture de PACS, à la naissance d’un ou plusieurs enfants, à l’incapacité du propriétaire ou d’un membre du foyer, ou encore à une mutation professionnelle ou un licenciement.
Dans ces hypothèses, toutefois, le donataire conservera la possibilité de mettre son bien en location à usage de résidence principale du locataire. Pour autant, il ne pourra, dans cette situation, disposer de liquidités immédiates pour organiser sa réinstallation, comme le permettrait une vente. Par ailleurs, l’obligation d’affectation incombant au donateur peut se révéler source de difficultés, notamment en cas de divorce ou de séparation, lorsque l’époux ou le coindivisaire demande le partage et l’attribution du bien ou encore lorsque que le donataire n’est pas en mesure de verser la soulte.
Ce que les commentaires ne disent pas
On peut regretter que l’administration ait éludé une question pourtant simple et fréquente en pratique : celle des dépenses d’acquisition susceptibles d’être admises au titre de l’emploi des sommes données. Certes, l’affectation au prix d’acquisition de l’immeuble ne soulève guère de doute ; mais qu’en est-il des frais annexes (frais d’acte, droits de mutation, contribution de sécurité immobilière, frais bancaires, assurances ou encore garanties hypothécaires) ? Tout porte à croire qu’ils seront inclus, mais une confirmation expresse aurait été la bienvenue.
Enfin, compte tenu de l’objectif poursuivi par le législateur et du caractère très personnel de l’exonération, une interrogation subsiste s’agissant d’une donation-partage conjonctive : la solution retenue par la réponse ministérielle Fromion (JOAN, 19 déc. 2006, p. 13256, n° 107473), reprise au BOFiP (BOI-ENR-DMTG-20-20-20, n° 215), doit-elle être transposée à ce nouveau dispositif temporaire ? Cette réponse avait en effet réservé le bénéfice de l’exonération aux seuls enfants attributaires de sommes d’argent, l’ayant refusé à ceux qui n’en recevaient pas effectivement, en contradiction avec la méthode de liquidation fondée sur les droits théoriques.
Julie Urion
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